Le Wing Chun Self-Defense Féminin ?

Wing Chun : une bonne méthode de self defense pour les femmes ?

Voilà un sujet qui fâche et auquel il me semble utile de consacrer quelques lignes. Il est très fréquent que la motivation qui pousse une femme à entamer la recherche d’une école de Wing Chun soit liée à la notion de self défense. On vend le Wing Chun comme un système de self defense efficace, rapidement assimilable et ne nécessitant que peu de qualités physiques ou psychiques. On en fait la promotion à grands coups de photos de jeunes femmes adoptant des attitudes de combat propres au style, on s’appuie sur une légende sans réels fondements historiques pour attester que le Wing Chun est un art martial pouvant permettre à n’importe quelle femme de pouvoir facilement se défendre contre un ou plusieurs agresseurs masculins, on affiche pour preuve des articles mentionnant, par exemple, que les hôtesses de l’air de la Hong Kong Airlines sont formées au Wing Chun pour assurer leur sécurité et celle de leurs passagers. Bien entendu, le cinéma ajoute sa lourde contribution en entretenant tout un phantasme autour d’une vieille recette qui fonctionne toujours et qui nous laisse penser qu’avec quelques leçons d’un vieux maître chinois, une femme peut devenir aussi dangereuse qu’un tigre. Tout cela est bien beau mais qu’en est-il de la réalité ?

Wing Chun : entre mythe et réalité.

Pour commencer, il faut rappeler que le Wing Chun n’est pas, à la base, un système de self défense au même titre que le Krav Maga par exemple. Le Wing Chun est un art martial Chinois. Cela sous-entend que sa raison d’être est bien plus profonde que le simple fait de fournir des « recettes » anti-agressions. Les arts permettent à ceux qui s’y adonnent avec passion, d’accéder à des dimensions profondes de leur être et d’en exprimer toute la beauté à travers un support maîtrisé. Dans le Wing Chun, l’étude du combat à courte distance représente ce support et comme tout bon support, elle implique le respect de lois universelles et de lois plus spécifiques garantes de succès pour qui cherche non pas à vaincre l’autre, mais à vaincre l’être faible qu’il pense être. Il me semble que ce point est crucial car on ne peut pas espérer vaincre un adversaire (ou une quelconque épreuve de la vie) avec le sentiment d’en être incapable. Tant que nous nous considérons comme faible, notre pensée nous emprisonne dans des limites que nous nous fixons nous même. Nous nous identifions énormément à nos limites, c’est d’ailleurs pour cette raison que ceux qui parviennent à dépasser les leurs se sentent grandis, pour ne pas dire « transmutés ».

Le Wing Chun est un Art Martial…

Il faut ensuite expliquer qu’à l’origine, l’étude d’un art martial traditionnel tel que le Wing Chun ne consiste pas à apprendre à détruire quelqu’un. Non, à l’origine, le partenaire ou l’adversaire ne sont que les symboles des épreuves de la vie. Ils nous offrent des occasions de nous construire, c’est-à-dire d’acquérir toutes les qualités physiques, psychiques ou spirituelles pour y faire face et en utiliser la force dans le but de les surmonter. Traditionnellement, les arts martiaux enseignaient qu’il fallait entrer en harmonie avec les adversaires comme avec les épreuves de la vie et de ce fait les reconnaître comme des opportunités d’apprendre et d’évoluer. Il est navrant de constater qu’aujourd’hui, ce que nous nommons « arts martiaux » n’est bien souvent qu’un ensemble d’exercices physiques et techniques au même titre que ce que proposent les systèmes de self-défense. La philosophie y est inexistante ou inexpérimentée par le professeur. Tout le bagage sensé assurer la formation de la force intérieure, c’est-à-dire celle qui sera justement la plus constructive pour une femme, est absent. L’enseignement du Wing Chun est censé révéler les grandes lois de fonctionnement de l’être humain et de l’univers qui l’entoure. Il propose, à travers le contexte du combat rapproché, un champ d’expérimentation de ces lois car seule l’expérience en permet l’intégration. Malheureusement, cet enseignement traditionnel est renié depuis quelques années afin que le Wing Chun corresponde à ce que les masses veulent : « des recettes pour casser des gueules avec style ».

…Traditionnel.

Enfin, nous pouvons ajouter que le Wing Chun, en tant qu’art martial Chinois traditionnel, a la volonté d’être un support de transmission de grands enseignements issus du bouddhisme, du taoïsme et du confucianisme. Il serait donc stupide d’imaginer que cet art avait comme préoccupation principale de former des experts en violence. C’est bien entendu tout le contraire. Derrière le geste de combat se cache un travail de maîtrise de soi, de centrage, d’unité et de vacuité, c’est-à-dire de qualités menant un être humain à trouver la paix en lui et à l’instaurer autour de lui. Bien entendu la pratique régulière fait de l’étudiant en Wing Chun, une personne dotée de très bonnes aptitudes pour le combat rapproché et, par extension, la défense personnelle mais ceci est une conséquence et non un but.

Cela étant dit, tâchons de mettre en lumière ce que le Wing Chun pourrait bien apporter à une femme décidée à devenir plus forte.

Wing Chun vs self defense

Contrairement à un système de self-défense, le Wing Chun ne proposera pas à une femme de rentrer dans le rôle d’une proie potentielle vivant au sein d’un monde dangereux dans lequel « les hommes sont des prédateurs ». La carte de la peur ne sera pas jouée dans le but de vendre de fausses réponses à un problème que l’on entretient car le vrai problème, c’est justement la peur. La peur est un aimant qui attire les situations que l’on redoute. La vibration qu’elle émet est la pire qu’un être humain puisse ressentir. Elle désharmonise l’entièreté de son monde intérieur, l’empêche d’être lucide et cohérent, installe un terrain favorable pour la dépression et, par extension, pour le développement de toutes les maladies puisqu’elle affaiblit le système immunitaire. J’en profite pour dénoncer les politiques de la peur qui sont aujourd’hui menées par nos dirigeants, entraînant des catastrophes humaines qui leur rapportent beaucoup d’argent. La peur est vendeuse, c’est une arme de manipulation donc normalement, un professeur d’Arts Martiaux digne de ce nom ne devrait pas utiliser la peur à des fins commerciales. La paix devrait être son premier argument de vente car ce n’est pas en étant sous l’influence de ses émotions que l’on est capable, dans une situation dangereuse, d’être lucide et d’agir intelligemment. D’autre part, il faut savoir que l’on voit ce que l’on croit. Cela signifie que lorsque votre esprit est focalisé sur une croyance, il ne fait que retenir les informations qui la confirment. Une femme qui aurait été agressée ou maltraitée par un ou des hommes ne pourra pas se reconstruire dans un climat où on nourrit l’idée que le monde est dangereux. Au contraire, cela ne fera que renforcer l’idée de sa position de victime impuissante qui doit absolument « savoir se défendre » car les autres sont une menace. Je vous garantis que les sentiments que cela entraînera chez elle la transformeront en une personne froide, agressive, blessée et blessante. On ne reconstruit pas sa confiance sur de telles bases et lorsque l’on adopte une position systématique de défense, on suscite immédiatement l’attaque. C’est une loi.

Le Wing Chun Self Defense outil de développement personnel

Le Wing Chun (normalement), offrira à une femme un cadre de travail basé sur la découverte. Celle des lois mécaniques du corps dans un premier temps : comment il s’aligne, s’équilibre, se renforce, se relâche, se dynamise, s’étire, se contracte, se réunit, s’organise, s’assouplit, se coordonne… Cela lui apprendra à concevoir la structure physique comme une unité géométrique créatrice de forces et lui ouvrira les portes de dimensions plus profondes car lorsque l’énergie mécanique est libérée, l’énergie de vie se met à circuler plus abondamment. C’est ensuite la découverte de l’échange martial en tant qu’outil de construction de qualités telles que la concentration, la maîtrise émotionnelle, la coordination gestuelle, la capacité d’unir le corps, l’intention (l’esprit) et le souffle qui lui permettra petit à petit de comprendre qu’utiliser l’entraînement à la guerre permet d’acquérir la paix. Cela passe par l’apprentissage du contrôle de soi car notre paix n’appartient pas aux autres, elle nous appartient. C’est lorsque nous laissons les autres ou les situations contrôler nos pensées, nos sentiments et nos actes que nous nous privons nous même de notre liberté d’être en paix. C’est à ce stade que le fonctionnement de l’Être sous l’emprisonnement de ses conditionnements et systèmes de croyance sera abordé. Le rôle du Wing Chun est de casser les schémas limitatifs pour les remplacer par d’autres plus constructifs. Un art martial est une voie de transmutation. Son objectif est de reprogrammer un Être par la répétition d’enseignements capables de le ré-harmoniser et de le rendre ainsi plus fort dans son corps, dans sa pensée, dans sa volonté et dans son cœur.

Apprendre à se défendre

La vraie capacité à se défendre, selon moi, n’appartient pas au fait d’appliquer une ou deux fois par semaine, dans un contexte de loisir, des protocoles techniques sur des partenaires consentants qui simulent des agressions irréalistes figées dans l’espace et le temps. La self défense commence bien avant d’être agressé. C’est une réflexion, un comportement, un état d’esprit qui débute par la mise en place d’un code de conduite englobant à la fois notre propre conduite et celle que nous exigeons des autres. Elle demande ensuite une construction, voir une reconstruction personnelle sur de nombreux autres plans que les simples plans physiques et techniques.
De reconstruction, il en est question dans le Wing Chun. Il est même question de renaissance. C’est d’ailleurs réellement ce que signifie la traduction française de Wing Chun : « printemps radieux ». Nous avons là un nom, celui d’une femme, un symbole de « renouveau majestueux », de transmutation de l’état de chenille à celui de papillon. L’image que le Wing Chun donne de la femme forte par son simple nom n’est pas celui d’un animal blessé et apeuré prêt à mordre n’importe quelle main, même celle qu’on lui tend, même celle qui veut le nourrir ou le soigner. Il donne une idée de renaissance et la légende qui l’accompagne suggère qu’un processus alchimique en est à la source. Cette légende nous raconte entre les lignes que c’est en mariant à parts égales « le serpent et la grue blanche », le masculin et le féminin, le doux et le dur, le corps et l’esprit, l’énergie interne et l’énergie externe, la théorie et la technique, la connaissance et le savoir-faire qu’une femme peut devenir réellement forte.

Wing Chun Self Defense féminin ?

Alors, le Wing Chun est-il une bonne méthode de self-defense pour une femme ? Non, car il n’en est pas une. Cependant, ce qu’il lui proposera de découvrir sur elle-même lui épargnera les attaques. Cela ne se fera pas « en 10 leçons » et nécessitera même un long parcours mais les parcours qui nous mènent à nous dépasser sont jonchés de trésors. Nous sommes toujours accompagnés et encouragés sur ce type de parcours car la quête du Soi est le seul but qu’exige une vie donnée.

Brice AMIOT pour A.M.E.S.